Véritable légende de l'histoire du cinéma, avec un goût prononcé pour la musique jazz, Clint Eastwood a progressivement entrecroisé son travail de réalisateur à celui de compositeur. Tel un homme qui dégage un air de saxophone dans chacun de ses gestes qu'il soit devant ou derrière la caméra. Ainsi il signe ses propres bandes originales qui ont un impact réfléchi et percutant dans l'ensemble de son œuvre.
Le grand Clint Eastwood est tombé dans le monde du jazz quand il était petit. Né dans la période dite « Swing » pendant laquelle ce genre musical rythmé avait pour effet immédiat d'entraîner les gens à danser, il cherche très tôt à transmettre les valeurs de cette musique à travers l'image. Tout d'abord avec le rôle phare de l'inspecteur Harry, pour la bande originale, il fait appel au réputé Lalo Schifrin qui a déjà signé le générique du feuilleton « Mission Impossible ». Le compositeur argentin accompagnera musicalement l'acteur et le réalisateur lorsqu'il passera derrière la caméra pour SUDDEN IMPACT (L'INSPECTEUR HARRY NE RENONCE JAMAIS) en 1983.
C'est dans cette même optique qu'il prend à ses côtés le compositeur français Michel Legrand. Les deux hommes partageant la même fascination pour le jazz, tentent de l'exprimer dans BREEZY en 1973. Effet immédiat. Le film est nommé à deux reprises aux Golden Globes, pour Michel Legrand en tant que meilleure musique et meilleure chanson originale intitulée "Breezy's Song".
Trois ans plus tard, Clint Eastwood s'essaye au film d'espionnage en 1975 avec LA SANCTION dont sa réussite provient majoritairement du travail de John Williams qui venait à peine de commencer sa collaboration avec Steven Spielberg. Pour le western JOSEY WALES HORS-LA-LOI (1976), il convoque le compositeur Jerry Fielding qui a écrit les musiques des films de Sam Peckinpah, spécialiste du genre.
La french touch se poursuit avec le film à gros budget FIREFOX en 1982, où les effets spéciaux sont confortés par la bande son signée Maurice Jarre.
A l'adolescence, il apprit à jouer du piano et marqua un intérêt certain pour Charlie Parker. En simple fan, il décider de réaliser BIRD en 1987. Au-delà de l'aspect biographique, la mise en scène laisse transparaitre toute la passion du réalisateur. Le spectateur s'imprègne de l'histoire du jazzman de part la sublime interprétation de Forrest Whitaker qui a reçu le prix de l'interprétation masculine au festival de Cannes en 1988. Et aussi par l'incroyable bande son de Lennie Niehaus qui a su reprendre tous les morceaux joués par Charlie Parker.
Dès lors l'alchimie entre le réalisateur et le compositeur Lennie Niehaus (amorcée par PALE RIDER en 1985) s'opère. Déjà à l’orchestration pour Sam Pechinpah et Don Siegel pour les musiques de Jerry Fielding, il fait figure d’orchestrateur sur les thèmes inventés par Clint ou pour l’arrangement de chansons choisies par le cinéaste. En 1992, Eastwood tourne le western IMPITOYABLE où il est lui-même l'auteur du célèbre "Claudia's theme". Ce morceau de guitare acoustique est devenu son modèle de référence pour composer ses musiques de films.
L'année suivante, Clint Eastwood confie la composition musicale d'UN MONDE PARFAIT à son confrère qui intègre des titres country de Johnny Cash et mélange les influences blues, rock et pop de Chris Isaak. La musique s'accorde harmonieusement à la dimension du road movie où Kévin Costner qui a pris en otage un enfant, part en cavale à la recherche perpétuelle de la liberté.
SUR LA ROUTE DE MADISON (1995) mêle des grands musiciens de jazz tels que Dinah Washington ou Johnny Hartman à différents airs d'opéra comme la Norma de Bellini, Samson et Dalila de St Saëns. Toute en finesse, cette combinaison s'accouple à la force sentimentale et amoureuse qui s'opère entre Clint Eastwood et Meryl Streep. Cette relation est magnifiée par un simple thème au piano, leitmotiv de leur sentiment, écrit par Clint et orchestré par Lennie.
En réalisant MINUIT DANS LE JARDIN DU BIEN ET DU MAL en 1997, il associe une bande originale en totale adéquation avec l'esprit et l'atmosphère du Sud des Etats-Unis. Une manière de faire un hommage au parolier, chanteur et compositeur Johnny Mercer (qui a travaillé avec Henry Mancini en écrivant notamment « Diamant sur canapé » de Blake Edwards), où la musique fait écho à ses plus grands succès. Les morceaux sont interprétés par certains des comédiens, mais également des stars de la scène country. On se souvient de "Skylark", interprétée par K.D. Lang qui ouvre le film.
En 2000, Eastwood réunit et s'unit aux acteurs de renoms tels que Tommy Lee Jones, Donald Sutherland et James Garner dans SPACE COWBOYS. Le ton ironique prêté à cette aventure permet à Niehaus de composer un score aux sonorités moins graves et davantage légères.
Son amour et ses connaissances en musique sont sollicités par Martin Scorcese en 2001. Ce dernier donne l'occasion à Clint Eastwood d'être le maître de cérémonie de son documentaire musical PIANO BLUES. Véritable mosaïque de passionnés, le réalisateur propose à ses frères de métier de donner leur vision personnelle de l'Histoire du blues.
Dans MYSTIC RIVER en 2003, le cinéaste fait jaillir le mal être ambiant américain dans un film déconcertant et sombre. Les deux acolytes se sont associés au fils d'Eastwood, Kyle, jouissant d'un talent reconnu dans le milieu du jazz. Une collaboration qui a su dégager de manière sincère la vive émotion véhiculée par le trio Sean Penn, Kévin Bacon et Tim Robbins. De plus, l'aspect mystérieux de ce long métrage est appuyé par l'interprétation de l'orchestre philharmonique de Boston où s'entrecroise piano, rythme blues et chœurs.
Après avoir chanté de la country avec son père sur HONKYTONK MAN (1982), Kyle Eastwood contribuera aussi aux bandes originales des deux longs métrages à l'histoire commune mais aux visions opposées : MEMOIRES DE NOS PERES en 2006. et son film jumeau LETTRES D’IWO JIMA en 2007 que Kyle compose avec Michael Stevens (comme GRAN TORINO en 2009). Les morceaux traduisent d'une part l'héroïsme des six soldats tout en instaurant le climat de terreur qui régnait durant la bataille d'Iwo Jima.
Avec MILLION DOLLAR BABY en 2005 et L’ECHANGE en 2008, Clint Eastwood signe en solitaire la bande originale (mais avec Lennie Niehaus toujours à l’orchestration). Il privilégie dans le premier les accords de guitare sèche et quelques notes de piano, le tout soupoudré de musique jazz rythmé. Touchante et magnifique, la musique est en parfait accord avec la douleur poignante du film. Sur le second il se focalise essentiellement sur le rapport à l’émotion. Et permet aussi aux spectateurs de se resituer dans les années 20.
Devenu son propre producteur, Clint Eastwood est un réalisateur complet qui est un authentique cinéaste, encensé par la critique et le public. La musique fait partie intégrante de la vie et de l'œuvre de cet homme qui avoue : « Mon engagement va plus loin que simplement jouer ou réaliser. J'aime tous les aspects de la création d'un film et je suppose que je me dévouerais toute ma vie au cinéma. »
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